• Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson

    Les chemins noirs de Sylvain Tesson

    4ème de couverture 

    2014. "L'année avait été rude. Je m'étais cassé la gueule d'un toit où je faisais le pitre. J'étais tombé du rebord de la nuit, m'étais écrasé sur la Terre. Il avait suffit de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne. J'étais tombé sur un tas d'os. Je regretterais longtemps cette chute parce que je disposais jusqu'alors d'une machine physique qui m'autorisait à vivre en surchauffe. Pour moi, une noble existence ressemblait aux écrans de contrôle des camions sibériens : tous les voyants d'alerte sont au rouge mais la machine taille sa route. La grande santé ? Elle menait au désastre, j'avais pris cinquante ans en dix mètres. A l'hôpital, tout m'avait souri. Le système de santé français a ceci de merveilleux qu'il ne vous place jamais devant vos responsabilités. On ne m'avait rien reproché, on m'avait sauvé. La médecine de fine pointe, la sollicitude des infirmières, l'amour de mes proches, la lecture de Villon-le-punk, tout cela m'avait soigné. Un arbre par la fenêtre m'avait insufflé sa joie vibrante et quatre mois plus tard j'étais dehors, bancal, le corps en peine, avec le sang d'un autre dans les veines, le crâne enfoncé, le ventre paralysé, les poumons cicatrisés, la colonne cloutée de vis et le visage difforme. La vie allait moins swinguer. Il fallait à présent me montrer fidèle au serment de mes nuits de pitié. Corseté dans un lit étroit, je m'étais dit à voix presque haute : "si je m'en sors, je traverse la France à pied".

    Je m'étais vu sur les chemins de pierre ! Je voulais m'en aller par les chemins cachés, flanqués de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés. Il existait encore une géographie de traverse pour peu que l'on lise les cartes, que l'on accepte le détour et force les passages. Loin des routes, il existait une France ombreuse protégée du vacarme, épargnée par l'aménagement qui est la pollution du mystère. Une campagne du silence, du sorbier et de la chouette effraie. Des motifs pour courir la campagne, j'aurais pu en aligner des dizaines. Me seriner par exemple que j'avais passé vingt ans à courir le monde entre Oulan- Bator et Valparaiso et qu'il était absurde de connaître Samarcande alors qu'il y avait l'Indre- et-Loire. Mais la vraie raison de cette fuite à travers champs, je la tenais serrée sous la forme d'un papier froissé, au fond de mon sac..."

    Avec cette traversée à pied de la France réalisée entre août et novembre 2015, Sylvain Tesson part à la rencontre d'un pays sauvage, bizarre et méconnu. C'est aussi l'occasion d'une reconquête intérieure après le terrible accident qui a failli lui coûter la vie en août 2014. Le voici donc en route, par les petits chemins que plus personne n'emprunte, en route vers ces vastes territoires non connectés, qui ont miraculeusement échappé aux assauts de l'urbanisme et de la technologie, mais qui apparaissent sous sa plume habités par une vie ardente, turbulente et fascinante.

    Mon avis

    C'est sur les chemins d'une France rurale que nous emmène cette fois sylvain Tesson 

    "chemins cachés, bordés de haies, par les sous-bois de ronces et les pistes à ornières reliant les villages abandonnés"

    Retour au souche dans un pays au final assez mal connu de celui qui a si souvent parcouru le monde. Alors on découvre avec lui ces chemins noirs 

    "Ces traces en étoile et ces lignes piquetées étaient des sentiers ruraux, des pistes pastorales fixées par le cadastre, des accès pour des services forestiers, des appuis de lisière, des viae antiques à peine entretenues, parfois privées, souvent laissées à la circulation des bêtes. La carte entière se veinait de ces artères. C'était mes chemins noirs. Ils ouvraient sur l'échappée, ils  étaient oubliés, le silence y régnait, on n'y croisait personne et parfois la broussaille se refermait aussitôt après le passage."

    et plus d'un retour au source, un chemin initiatique ou une aventure c'est quasiment un essai géopolitique que nous présente l'auteur à travers ce qu'il voit, découvre au détour de ces chemins. 

    "la géographie humaine est la forme de l'Histoire. En quarante ans le paysage se refaçonna pour que passent les voitures. Elles devaient assurer le mouvement perpétuel entre les zones pavillonnaires et le parking des supermarchés. Le pays se piquette de ronds-points. Désormais les hommes passeraient des heures dans leur voiture. Les géographes parlent de "mitage" du territoire : tissu mou, étrange n'appartenant ni à la ville ni à la pastorale, une matrice pleine de trous entre lesquels on circulait."
     

    Quelques rencontres anecdotiques viennent illustrer ces réflexions mais ne rendent pas ce récit très vivant pour autant. On chemine avec Sylvain Tesson, on revient sur sa vie, quelques amis le retrouvent, sa soeur aussi pour quelques jours et c'est sans doute le moment le plus drôle du récit. C'est un regard un peu déprimé que porte l'auteur sur cette France et sa "cartographie du temps perdu", une France coupée en deux entre la ville et les "zones grises de l'hyper ruralité"

    Heureusement il sait décrire les paysages, la nature, les moments de grâce face à un orage ou un coucher de soleil. 

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 31 Août 2017 à 06:49
    Aifelle

    C'est un livre qui m'a intéressée, mais je ne suis pas une grande fan de Sylvain Tesson.

      • Jeudi 31 Août 2017 à 11:02

        Ce n'est pas son meilleur en plus ^^

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